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Du nouveau quant à la vérification de l’identité des clients pour des services bancaires

Le décret du 3 février 2023 atténue les dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux inscrits dans le Code monétaire et financier pour des services financiers présentant de faibles risques de détournement criminel. Entré en vigueur le 6 février 2023, le texte vise prioritairement des publics défavorisés en marge des circuits bancaires traditionnels.

D. n° 2023-63, 3 févr. 2023, relatif à la vérification de l’identité de la clientèle pour certains produits et services à faible risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, NOR : ECOT2207047D

Pour rappel, la lutte contre le blanchiment de capitaux (LCB) a un double objectif et oblige certains professionnels à mettre en place des mesures de vigilance, qui peuvent être allégées dans certains cas (I). À cet égard, le décret n° 2023-63 du 3 février 2023 assouplit les dispositifs de LCB pour des services financiers présentant de faibles risques de détournement criminel (II).

I – Le double objectif de la LCB

Le blanchiment de capitaux consiste à dissimuler l’origine de fonds obtenus de manière illicite et à les introduire dans l’économie légale afin que leurs détenteurs puissent en conserver la jouissance. Il représenterait 3 % du PIB mondial et 1,3 % du PIB de l’Union européenne.

Le nombre de déclarations de soupçon transmises par les professions assujetties à Tracfin a fortement augmenté dans les secteurs financier (banques et établissements de paiement) et non financier. Elles ont été multipliées par plus de 6 entre 2012 et 2021.

La lutte contre le blanchiment s’inscrit dans un double objectif : d’une part, prévenir les activités criminelles en les privant de fonds ; d’autre part, assurer la solidité, l’intégrité et la stabilité du système économique et financier.

La lutte contre les flux financiers illicites est une priorité de longue date des autorités françaises et a été particulièrement renforcée depuis les attentats commis en 2015 et 2016 sur le territoire français. Dès 2015, le Plan d’action pour lutter contre le financement du terrorisme porté par le ministère de l’Économie et des Finances a été adopté, avec pour objectifs de mieux identifier, surveiller et agir contre le financement du terrorisme (FT).

La France a fait le choix d’un assujettissement large afin d’assurer une couverture exhaustive des activités financières et non financières pouvant être exploitées à des fins de blanchiment de capitaux ou de FT.

Les entités assujetties sont énumérées à l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier ; cette liste recouvre notamment :

• les entités des secteurs bancaire et financier ;

• les intermédiaires immobiliers ;

• les professions du chiffre et du droit (experts-comptables, commissaires aux comptes, avocats, notaires, huissiers de justice, mandataires de justice – administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires) ;

• les entités du secteur des jeux ;

• les négociants en biens et services de grande valeur (pierres précieuses, matériaux précieux, antiquités ou œuvres d’art, etc.) ;

• les agents sportifs ;

• les sociétés de domiciliation.

Les entités appartenant au secteur financier sont soumises au contrôle et au pouvoir de sanction de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et de l’Autorité des marchés financiers.

Ces autorités sont depuis longtemps chargées de la régulation du secteur financier et disposent ainsi d’une importante expertise sectorielle particulièrement utile à leur mission de contrôle de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). Elles abritent également des équipes dédiées en matière de LCB-FT et partagent pleinement l’objectif national de lutte contre les flux financiers illicites.

Les entités appartenant au secteur non financier, quant à elles, sont contrôlées par plusieurs autorités qui disposent d’une connaissance importante du métier, facilitant ainsi leur rôle de supervision comme la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour les intermédiaires immobiliers, les professionnels du secteur du luxe et les sociétés de domiciliation.

Tous les professionnels visés par l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier ont une obligation de vigilance sur leur client ou client occasionnel mais aussi sur le(s) bénéficiaire(s) effectif(s) des opérations dès l’entrée en relation d’affaires, en mettant en place les procédures et mesures adaptées de contrôle interne pour effectuer toutes les diligences nécessaires à des fins d’identification du client sur la base des informations en sa possession ou de tout document écrit probant.

Le professionnel doit déclarer ses doutes le plus tôt possible, dès la naissance du soupçon, c’est-à-dire a priori, mais aussi a posteriori pour les opérations déjà exécutées et qui se sont révélées suspectes tardivement.

Lorsque la transaction qui a fait l’objet d’une déclaration de soupçon n’a pas été encore exécutée, Tracfin peut y faire opposition sur la base de l’article L. 561-25 du Code monétaire et financier. Son opposition est notifiée à l’auteur de la déclaration.

À noter. Les professionnels sont tenus de conserver pendant cinq ans les pièces et documents réunis au titre de la vigilance.

Des facilités de mise en œuvre de ces obligations de vigilance pour certains professionnels sont prévues :

• la « tierce introduction » permet, sous conditions, de sous-traiter et de s’appuyer sur les mesures de vigilance appliquées par un autre professionnel ;

• la possibilité, limitée et strictement encadrée, de partage d’informations sur l’existence d’une déclaration faite auprès du service Tracfin, et ce, afin de permettre d’adapter le degré de vigilance.

Le Code monétaire et financier pose le principe d’une modulation de l’obligation de vigilance en fonction du risque attaché au client, au produit ou à l’opération traitée (C. mon. fin., art. L. 561-4-1 et s.).

Trois types de vigilance peuvent être mis en œuvre par le professionnel selon la nature et le niveau du risque (client, produit ou transaction) auquel il est confronté et sur lequel il a de bonnes raisons de soupçonner qu’il relève du blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme (BC-FT) :

• la vigilance normale exercée au moment de l’entrée en relation d’affaires qui porte sur les éléments d’identification du client et sur l’objet et la nature de l’opération envisagée, dans le suivi de la relation d’affaires ; elle nécessite d’avoir une connaissance actualisée du client afin d’être en mesure d’évaluer la cohérence des opérations qu’il a effectuées ;

• la vigilance renforcée si le risque est jugé élevé. Des mesures de vigilance complémentaires doivent être prises si le client n’est pas physiquement présent aux fins d’identification, si la personne est politiquement exposée, si le produit ou l’opération favorise l’anonymat ou si les opérations sont réalisées avec des personnes situées dans un État dont la législation ou les pratiques font obstacle à la LCB-FT ;

• enfin, des mesures de vigilance simplifiées sont possibles dans certains cas. À cet égard, le décret n° 2023-63 du 3 février 2023 assouplit les dispositifs de LCB pour des services financiers présentant de faibles risques de détournement criminel.